Des universitaires en sciences sociales des institutions Paris 1, HEC et Zurich ont entrepris une étude sur l’évolution des discours à l’Assemblée nationale depuis 2007. Publication à l’appui, ils ont mis en lumière une mutation progressive de cet espace en une sorte de scène théâtrale. Les discussions s’orientent davantage vers la critique que vers un débat structuré, privilégiant l’émotion au détriment de la logique.
Pour parvenir à ces observations, ils ont analysé deux millions de discours prononcés à l’Assemblée nationale entre 2007 et juin 2024, provenant de plus de 1 600 députés aux profils politiques variés. Cette analyse sémantique s’est appuyée sur un système d’intelligence artificielle, examinant minutieusement le vocabulaire et le nombre de mots employés dans ces interventions.
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Il en ressort une montée en puissance de la rhétorique émotionnelle, particulièrement celle exprimant la colère, qui a pris le pas sur des arguments fondés sur des faits. En 2014, 22% des discours utilisaient ce type d’expression émotionnelle, et ce chiffre a presque doublé pour atteindre 40% en 2024. Ce changement est encore plus prononcé parmi les députés de la France insoumise et du Rassemblement national.
Réduction notable des durées d’intervention
La durée des prises de parole a presque été réduite de moitié en une décennie. La première explication à ce phénomène est la nature plus conflictuelle des débats, les interruptions étant devenues plus fréquentes. Cela est particulièrement flagrant lors des sessions de questions au gouvernement, où la moitié des interventions sont désormais des interruptions.
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Une autre raison avancée est que certaines interventions sont délibérément courtes pour être facilement diffusées sur les plateformes sociales. L’étude souligne que les interventions de 150 mots se sont multipliées, correspondant au format d’une vidéo d’une minute.
Ce changement traduit l’adaptation aux nouveaux codes de la communication politique. Les députés ne s’adressent plus uniquement à leurs collègues, mais aussi à leur audience en ligne, selon les conclusions des chercheurs.
Néanmoins, ces discours, qui tendent à être plus polarisés, émotionnels et conflictuels, pourraient accentuer la méfiance des électeurs. En 2024, le CEVIPOF a interrogé un échantillon représentatif de citoyens sur leur perception de la vie politique en France. Les termes les plus fréquemment mentionnés, et en hausse par rapport aux précédentes enquêtes, étaient méfiance et lassitude.
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